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Lettre ouverte aux parlementaires de gauche à l’Assemblée Nationale et au Sénat

mardi 13 novembre 2012, par République et Socialisme

Dans l’enseignement supérieur et la recherche (ESR), le gouvernement issu des élections du printemps 2012 semble avoir abdiqué toute volonté politique et se réfugier dans une inertie ravageuse qui conduit de facto à la poursuite, voire à l’aggravation de la politique menée sous la majorité précédente, c’est-à-dire au parachèvement de la destruction des services publics, dans l’ESR comme ailleurs. République et Socialisme souhaite par cette lettre ouverte demander solennellement aux parlementaires d’intervenir pour la mise en oeuvre immédiate d’une politique conforme à la volonté majoritaire de rupture exprimée par le peuple français à l’occasion des élections du printemps 2012 et qui est gravement bafouée par le ministère de l’ESR depuis la mise en place du gouvernement Ayrault.

Les organisations syndicales, les associations et tous les acteurs du mouvement social qui se sont opposés aux contre-réformes Sarkozy se voient méprisés et marginalisés par le ministère de l’ESR dont le cabinet est noyauté par les lobbys des notables conservateurs de la haute fonction publique et de l’université qui sont, pour beaucoup d’entre eux, tels le directeur de cabinet, son adjoint et plusieurs conseillers issus de la conférence des présidents d’université, lourdement compromis avec le pouvoir Sarkozy. Certains ont une responsabilité personnelle dans l’état actuel de ruine des universités et des organismes nationaux de recherche. Certains ont collaboré avec le ministère Pécresse pour réprimer les grands mouvements sociaux contre la LRU qui est au centre de l’effondrement actuel du secteur. En monopolisant le pouvoir, eux et leurs amis, en marginalisant les forces vives de l’université et de la recherche, ils sont en train de transformer les Assises de l’enseignement supérieur et de la recherche en une sinistre mascarade, réunissant à huis clos diverses strates administratives qui n’ont aucune légitimité à pérorer sur l’avenir de l’enseignement supérieur alors qu’ils n’ont cessé d’échouer dans la décennie précédente. L’université est ailleurs.

Dès la nomination des membres du comité de pilotage des assises de l’ESR, la coupure totale avec la réalité des laboratoires et des amphithéâtres était évidente. Quelques scientifiques renommés ne suffisent pas à faire oublier qu’il n’y a aucun maître de conférences, aucun chargé de recherche, aucun doctorant, aucun technicien, aucun représentant de la catégorie phare de ces dernières années, les précaires, dans ce comité. Combien d’entre ses membres se sont appuyés sur leur notoriété académique pour lutter pied à pied aux côtés du mouvement social contre la destruction du service public pendant la décennie précédente ? Malgré leurs titres parfois prestigieux, quelle légitimité ont-ils à contribuer à la reconstruction du secteur, alors qu’ils acceptent la marginalisation totale de ceux qui seront l’université de demain et qui sont les premières victimes d’un politique qui se poursuit sans changement ?

Dans le cadre du Front de Gauche de l’enseignement supérieur, République et Socialisme a défendu le choix d’une expérimentation démocratique pour les Assises de l’ESR, reposant sur la co-élaboration d’une nouvelle loi par les élus du peuple, les parlementaires, et par les instances élues du secteur, le CNESER et le Comité national du CNRS en particulier, et ramenant l’exécutif à ce qu’il n’aurait jamais dû cesser d’être, un exécutant. Notre courrier à Mme Fioraso envoyé en mai est resté sans réponse jusqu’en septembre pour déboucher sur une entrevue avec des conseillers qui n’avaient rien à dire quand ils n’avaient pas tout simplement oublié de venir. On voit le résultat avec des assises technocratiques d’où les problèmes urgents du secteur sont tous soigneusement écartés.

Et des problèmes urgents il y en a.

Dès le printemps 2012, les organisations syndicales, les associations et toutes les forces progressistes du milieu les ont énoncés clairement ; sans mesures d’urgence, sans ruptures immédiates, l’effondrement allait se poursuivre, les assises ne seraient que de la poudre aux yeux. Aujourd’hui les prévisions les plus pessimistes sont devenues réalité. Rien n’a bougé. Mme Fioraso distribue ça et là quelques belles paroles qui n’ont qu’un lointain rapport avec la réalité. La politique désastreuse du grand emprunt se poursuit malgré tous les appels à un moratoire. Le président de l’université Paris Diderot, et rapporteur des assises de l’ESR, continue à bafouer la démocratie dans le cadre du projet Idex « Sorbonne Paris Cité ». Ne déclarait-il pas le 25 mai 2012 : « La démocratie, c’est lent et inefficace ». Après avoir fait exploser la démocratie dans les universités à travers des projets concoctés et imposés par des minorités agissantes et rejetés massivement par le personnel, la contribution majeure que va désormais prendre le grand emprunt au développement incontrôlé de la précarité dans l’ESR devient une évidence. Les laboratoires d’excellence (LABEX) et les initiatives d’excellence (IDEX) sont structurellement générateurs d’emplois précaires et destructeurs d’emplois titulaires comme tous les dispositifs de financement sur projet mis en place depuis une dizaine d’années.

La précarité, s’ajoutant à la quasi-faillite des établissements et au non remplacement des départs de personnels titulaires en 2012 et en 2013, est en passe de devenir le dossier le plus explosif du moment et pourrait balayer la torpeur délétère des assises. Depuis le printemps, le ministère de l’ESR s’est refusé à tout infléchissement de la politique de stabilisation/titularisation mise en place par la loi Sauvadet alors que celle-ci est entrée dans sa phase de mise en oeuvre, qui se révèle désastreuse. Après avoir tenté de faire passer en force des décrets élaborés par la majorité de droite, le ministère s’est réfugié dans une inertie criminelle. Jamais les commissions précarité créées avant l’été n’ont été convoquées. Jamais les établissements n’ont été rappelés à l’ordre alors qu’ils refusent massivement de renouveler des CDD de tous niveaux de qualification sous le prétexte d’empêcher les bénéficiaires d’accéder aux dispositifs prévus par la loi Sauvadet. Jamais les établissements n’ont reçu instruction d’appliquer la circulaire du 26 juillet 2012 du ministère de la fonction publique interprétant dans un sens favorable aux personnels un paragraphe ambigu de la loi. Jamais les organismes n’ont été démentis quand ils prétendaient que « cette circulaire était illégale ». Jamais aucune réponse n’a été apportée aux courriers des collectifs de précaires qui se multiplient dans toute la France.

Devant la mobilisation croissante des précaires, suite à une décision du tribunal administratif de Nantes confortant la valeur juridique de la circulaire du 26 juillet et contraignant pour la première fois un organisme national, l’INSERM à appliquer la loi, le ministère s’est vu contraint à rencontrer l’intersyndicale le 25 octobre. Sous la pression des faits et malgré force louvoiements et contorsions, les membres du cabinet n’ont pu que jeter le masque. Le gouvernement va entièrement continuer la politique de la droite en ce qui concerne la précarité. En se plaçant dans la totale continuité de la droite dans l’idéologie délétère de décroissance de l’emploi titulaire, le gouvernement prend aujourd’hui la responsabilité de jeter à la rue des milliers de personnels qualifiés en quelques mois. Des milliers de créations d’emplois titulaires à tous les niveaux de qualification sont indispensables à la stabilisation de personnels travaillant souvent depuis longtemps dans les équipes, y apportant des compétences indispensables mais victimes d’un modèle de financement délétère. Des transferts massifs des financements sur projet vers la masse salariale sont indispensables à la mise en place de ces emplois titulaires.

Assailli de toutes parts par une crise de plus en plus incontrôlable, noyauté par des lobbys rétrogrades, inféodés à une vision néo-libérale de l’ESR et faisant tout pour s’accrocher à un pouvoir qu’ils ont dévoyé, à la tête des organismes, à la tête des universités et dans les postes dirigeants ministériels pendant l’ère Sarkozy, le gouvernement semble paralysé, alors que la crise devient de plus en plus intolérable. Faute d’une intervention des élus du peuple, pour remettre la volonté populaire au centre du fonctionnement gouvernemental, alors qu’elle est méprisée par les lobbys technocratiques recyclés du sarkorzisme, il ne restera au peuple universitaire qu’à prendre son avenir en main en imposant d’autres solutions.

Secrétariat national à l’enseignement supérieur et à la recherche

Contact : Bernard Jusserand

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