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Débat : faut-il un aéroport à Notre-Dame-des-Landes ?

l’Humanité des débats Face à face

mercredi 12 décembre 2012, par République et Socialisme

Face-à-face avec Aymeric Seassau, conseiller régional, secrétaire de la fédération du pcf de loire-atlantique. et François de Rugy, président du groupe europe écologie-les verts (EELV) à l’Assemblée nationale.

La controverse autour de la construction d’un nouvel aéroport à Notre-Dame-des-Landes a pris une dimension nationale. Qu’en est-il de l’utilité ou non d’un tel équipement pour le développement de la région ?

Aymeric Seassau. Au début des années 2000, la solution d’un aéroport pour le Grand Ouest est préférée à un troisième aéroport parisien. Dans l’opposition ou dans les majorités, les communistes ont construit un positionnement constant en faveur de ce nouvel équipement utile au désenclavement de l’Ouest et à son développement économique. Il permettra d’améliorer la qualité de vie dans une agglomération dynamique aujourd’hui survolée par les avions, puisque l’aéroport de Nantes, arrivant à saturation, sera transféré à Notre-Dame-des-Landes, au nord de la Loire, d’où proviennent trois usagers sur quatre. Avec deux ans d’avance sur les prévisions de trafic de la déclaration d’utilité publique, tout confirme la pertinence du dossier entré dans sa phase de réalisation.

François de Rugy. Des liaisons aériennes sont-elles utiles pour l’économie de l’Ouest ? Oui ! Un nouvel aéroport est-il indispensable pour développer ces liaisons ? Non : il existe, en plus de Nantes-Atlantique, des plates-formes aéroportuaires qui sont sous-utilisées, à Rennes, Angers, Saint-Nazaire… Nantes est le deuxième aéroport français pour les vols charters : de nombreux voyageurs viennent de tout l’Ouest y prendre leur avion pour leurs vacances. Cette spécialisation se fait au détriment des vols réguliers. En répartissant plus volontairement le trafic, c’est-à-dire en ne s’en remettant pas à la concurrence entre aéroports et aux seules règles du marché dictées par les compagnies, on pourrait optimiser l’existant et accompagner le développement du territoire. En période de difficultés économiques, ce devrait être la priorité. J’ajoute que les promoteurs du projet, en envisageant la fermeture de la piste actuelle de l’usine Airbus, jouent avec le feu et fragilisent ce site. Faire de ce débat une opposition caricaturale entre décroissance et développement, c’est mentir aux citoyens.

L’impact environnemental du projet polarise le débat. Ce chantier présente-t-il des atouts dans ce domaine ou, au contraire, constitue-
t-il une menace comme l’avancent ses détracteurs ?

François de Rugy. On tente de nous vendre l’idée d’un aéroport « écologique » : Vinci a même mis en ligne des images de synthèse du projet où tout est en vert ! C’est ridicule : la piste actuelle sera très probablement conservée pour Airbus. L’emprise de l’aéroport actuel ne serait donc ni rendue à la nature ni urbanisable ! Et on veut construire un autre aéroport – avec deux pistes ! – en zone humide, au prix d’un nouvel appauvrissement de la biodiversité. On nous dit que l’on va préserver 19 000 hectares d’espaces naturels en compensation. Où va-t-on trouver ces espaces ? Au détriment de l’agriculture ?

Aymeric Seassau. Le transport aérien ne compte que pour 3 % des émissions de gaz à effet de serre. Il ne s’agit pas de le développer à outrance mais de le déconcentrer et de construire la multimodalité avec les transports ferroviaires, fluviaux et maritimes. D’autre part, 2 000 hectares de terre sont consommés chaque année en Loire-Atlantique. Il y a urgence à libérer l’agglomération nantaise de l’emprise aéroportuaire actuelle pour accueillir du logement et de l’activité économique en lien avec la filière aéronautique. Tout en gardant une piste de fret pour Airbus, loger 15 000 personnes de plus dans l’agglomération, c’est économiser deux fois la surface de l’aéroport ! Il consommera certes 1 300 hectares mais, en marge du transfert, 19 000 hectares sont préservés entre Notre-Dame-des-Landes et l’agglomération… quinze fois plus.

Le mode de financement et de gestion de ce nouvel équipement est aussi controversé. La concession aéroportuaire pose-t-elle un problème à la collectivité ?

François de Rugy. En échange d’une concession exceptionnellement longue – 55 ans –, les collectivités prétendent ne verser à Vinci que des « avances remboursables ». Comme si Vinci, qui a fait près de 2 milliards de résultat net et distribué 280 millions à ses actionnaires en 2012, n’était pas capable de se financer auprès des banques ! En réalité, comme d’habitude, les risques sont pour le public, et le privé se réserve les bénéfices – garantis !

Aymeric Seassau. Il s’agit d’une délégation de service public d’État renouvelant la concession aéroportuaire, détenue auparavant par la chambre de commerce et d’industrie, et soumise par la loi à un appel d’offres remporté par Vinci. Le pays a besoin de constituer un grand groupe public de construction utile pour ce type d’équipement dont la réalisation et la gestion devraient être sous maîtrise publique à 100 %. Mais cela nécessiterait de sortir du carcan austéritaire de l’Union européenne que le gouvernement PS-EELV accompagne actuellement. Dans ce cadre, les communistes ont obtenu que l’engagement des collectivités se fasse sous forme d’avances remboursables, non révisables même en cas de surcoût, avec un retour sur investissement et un contrôle des comptes d’exploitation. Avec cet engagement responsable – 1 % de la capacité d’investissement des collectivités finançantes –, pas un euro d’argent public ne restera dans la poche de Vinci !

La commission du dialogue mise en place par le premier ministre peut-elle permettre de sortir du blocage actuel ?

Aymeric Seassau. La violence est insupportable et les populations de Loire-Atlantique ne veulent pas vivre en état de siège. Il faut retrouver le sens d’un dialogue libre, serein et responsable. Les mobilisations pacifiques sont légitimes, tout comme le sont les choix émis par les vingt-cinq collectivités partenaires où des majorités ont été élues en transparence quant à leur soutien au dossier.

Parlons du fond et occupons-nous, par exemple, des 41 millions d’euros (10 % du coût de la plate-forme aéroportuaire) affectés aux mesures conservatoires et compensatoires environnementales.

François de Rugy. Il faut l’espérer, mais cela suppose à mon sens qu’elle travaille en toute transparence, dans le cadre d’une démarche contradictoire, sans tabou : qu’elle rencontre toutes les parties prenantes, quelles qu’elles soient. Que toutes les données de l’enquête d’utilité publique soient revisitées, à la lumière de la réalité d’aujourd’hui. Et, surtout, qu’aucune pression d’aucune sorte ne soit exercée sur la commission. Il faut notamment que les promoteurs du projet – qu’ils exercent des responsabilités locales ou nationales – prennent le recul nécessaire à une expertise menée en toute liberté par la commission.

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