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En Grèce : percée de la gauche de gauche sur fond de crise plus violente que jamais

Gauche unitaire le 13 mai 2012

mercredi 16 mai 2012, par République et Socialisme

Les élections en Grèce du dimanche 6 mai dernier se sont déroulées dans le contexte d’une véritable décomposition de l’État et d’une régression sociale violente, provoquées par les divers plans brutaux d’austérité imposés par la « troïka » (FMI, BCE, Union Européenne) et acceptés et mis en place par les deux principaux partis historiques, le PASOK (social-démocrate) et la Nouvelle démocratie (droite).

Le bilan économique des plans d’austérité est désastreux. Le paysage social du pays est effrayant. Les privatisations sont massives dans tous les domaines, au grand bénéfice des grands groupes capitalistes, parmi lesquels figurent Véolia (pour la distribution de l’eau à Athènes) et EDF (pour le gisement sous-marin de gaz de Kevala). Des coupes sombres dans les salaires paupérisent l’ensemble de la population. Les fonctionnaires, considérés comme des boucs émissaires, doivent faire face à 20000 licenciements en un an, 150000 licenciements prévus d’ici 2015, à une baisse de salaire de 15%, à la suppression des primes et à la ponction à la source d’un impôt dit de « solidarité nationale ». Les salariés du secteur privé ne sont pas en reste. Le SMIC est ramené à 489 euros net par mois. La jeunesse figure au premier rang des victimes, avec une diminution du SMIC de 30% (440 euros nets). Le code du travail est fracassé à coups de massue par le non renouvellement des conventions collectives qui arrivent à expiration, afin de mettre en place des contrats individuels négociés au niveau de l’entreprise et de faciliter les licenciements. C’est la fin de tout cadre légal du travail. Les retraités ne sont pas davantage épargnés. Les pensions sont diminuées de 20% en moyenne. Par ailleurs, la TVA a été augmentée de 19% à 23%. Des coupes sombres ont été réalisées dans le domaine de la santé (instauration d’un ticket de 5 euros pour pouvoir accéder aux soins) et de l’éducation (fermeture de cantines).

Au total, les droits et les rémunérations des travailleurs sont ramenés au niveau des années 1950.

Cela engendre une explosion de la misère : les soupes populaires se généralisent, des maladies disparues réapparaissent, le nombre de suicides a augmenté de 40% depuis 2009. Des suicides politiques sont commis : immolation d’une personne devant une banque à Salonique, suicide d’un couple de parents qui ne pouvait plus payer les soins de leur enfant malade, suicide d’un retraité sur la place Syntagma, en plein centre d’Athènes, le 4 avril dernier.

Même dans la logique de la Troïka, une telle politique est destructrice. Depuis 2009, la dette est passée de 120% à 170% du PIB. L’objectif de ces mesures d’austérité est qu’en 2020 la dette soit ramenée à son niveau de 2009. On peut s’interroger sur les raisons d’un tel acharnement ayant conduit à une mise sous tutelle du pays, qui rappelle le temps où les puissances occidentales, dites « puissances protectrices », avaient placé le jeune État grec « sous contrôle » après son indépendance en 1832. On peut d’autant plus s’interroger que la Grèce ne représente que 2% du PIB de la zone Euro et que sa dette n’est même pas le tiers de la somme prêtée par la BCE aux banques à des taux ridicules.

Sur le papier, la question de la dette grecque pourrait se résoudre assez facilement. Ce n’est pas le chemin que la Troïka a choisi. Elle a choisi la liquidation de la société et de la démocratie grecques. Il s’agit pour elle de faire un exemple, une victime expiatoire. De montrer aux peuples d’Europe ce qui leur arriverait s’ils n’acceptaient pas la politique d’austérité généralisée constitutionalisée par le Mécanisme européen de stabilité et le pacte budgétaire.

De mettre les peuples devant une impossible alternative : la Grèce ou la rigueur. La Troïka semble aujourd’hui prête à asséner le coup de grâce en expulsant la Grèce de la zone Euro, voire de l’Union Européenne. Le tout est agrémenté d’un discours populiste (le sud, ce n’est pas bien sérieux).

Cette situation désastreuse fait le lit des sentiments xénophobes. Cela est encouragé par le gouvernement « technique » de Papademos, ex responsable de Goldmann Sachs qui avait réalisé le maquillage des comptes grecs. Ce gouvernement, arrivé au pouvoir à la suite d’un véritable coup d’État financier, rassemblant sociaux-démocrates, droite et un temps extrême-droite, a un terrible bilan. De par les conditions antidémocratiques de son arrivée au pouvoir, l’inclusion de l’extrême-droite dans la scène politique et les politiques menées, il a délégitimé la démocratie et donné du poids aux thèses d’extrême-droite. Il a laissé faire la mise en place de milices privées anti-immigrés dans les quartiers. Il a envisagé l’ouverture de 30 centres de rétention dans le pays. Un appel est en cours pour constituer une « milice citoyenne », entraînée par l’armée et la police et bénéficiant de financement privé, pour lutter contre des « ennemis » non précisés.

On voit donc que les dernières élections législatives se sont déroulées dans un contexte de crise majeure dans tous les domaines. Les partis qui ont participé au gouvernement Papedemos se sont effondrés, parmi lesquels on compte les deux grandes formations historiques de la politique grecque qui s’échangeaient de père en fils les postes de responsabilité depuis des décennies : le PASOK a perdu les deux tiers de ses voix et Nouvelle Démocratie la moitié. Le LAOS, parti d’extrême-droite qui a participé un temps au gouvernement Papademos, disparaît du Parlement. Les formations qui ont soutenu et mis en œuvre les plans d’austérité sont donc durement sanctionnées. A cause d’un tour de passe-passe de la loi électorale grecque, la Nouvelle-Démocratie, qui a perdu la moitié de ses voies, gagne cependant 17 députés.

Gauche Unitaire salue et soutient les camarades de Syriza, qui devient le premier parti à gauche et le deuxième parti du Parlement, en obtenant 17% des voix. Syriza est même en tête dans les grandes villes (agglomération d’Athènes-Le Pirée, Salonique…) et chez les jeunes, qui figurent parmi les catégories de la population les plus durement touchées par les mesures d’austérité.

Les résultats montrent également des facteurs très inquiétants. Comme l’entrée d’un parti ouvertement nazi au Parlement, « Aube dorée », dont le principal chef fait le salut nazi au conseil municipal d’Athènes, publie les panégyriques du IIIe Reich et se réclame ouvertement des organisations fascistes grecques d’avant-guerre et des gouvernements collaborateurs de Tsolakoglou et de Rallis durant l’occupation fasciste. Ce parti cherche à intimider les journalistes (ses gros bras leur intimant l’ordre de se lever en signe de « respect dû au chef », lorsque celui-ci entre pour tenir conférence de presse) et organise de véritables expéditions punitives d’une rare violence contre les populations d’origine immigrée et « les traîtres à la patrie ».

Face à la catastrophe, il y a des bases de résistance : la vingtaine de journées de grèves générales, la mobilisation du monde du travail. Cela explique le très bon score de Syriza.

Il est absolument vital pour l’avenir de la société et de la démocratie grecques que la gauche s’unisse sur des bases de gauche, telles que Syriza les propose : suspension immédiate et inconditionnelle du paiement de la dette le temps de réaliser un audit citoyen de cette dette, l’annulation des mesures d’austérité imposées par la Troïka depuis 2010, la nationalisation d’une partie importante du secteur bancaire et la nécessité de mettre en place un gouvernement de résistance sur ces bases. L’enjeu est d’une importance incommensurable.

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